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âme-Stram-Gram
5 décembre 2013

Fin de l'éternité

Sept.

Jeudi. Voilà une semaine que j’attends.

Une semaine dans une vie ce n’est rien. Une semaine dans une vie peut tout changer. Une semaine dans une vie c’est une éternité. Mais je n’ai pas l’éternité devant moi.

Ce matin, visite d’une maison qui pourrait nous convenir car celle qu’on occupe provisoirement est en vente et qu’il va falloir en trouver une autre, ensuite courses, et au retour nettoyage du frigo avant de le remplir.  Le temps file. Le temps se traîne.

14 heures, une boule au creux de l’estomac. J’ai rendez-vous à 14h30. Mon homme est parti au travail inquiet, mais je préfère y aller seule plutôt que de repousser ce rendez-vous. Le médecin m’a demandé de rappeler avant pour ne pas venir pour rien. « Résultats, quels résultats ? Ah, oui …  votre nom ? Ah non … rien ». C’est toujours agréable de se sentir reconnue.

Je rappelle le labo, furieuse cette fois.

« Les résultats, ben si, on a dû les faxer au médecin traitant … » Une colère froide m’anime  « Comment ça, vous avez dû les faxer ? …  le docteur ne les a pas reçus, j’attends depuis 7 jours les résultats d’une biopsie pour savoir si j’ai un cancer, alors vous allez faire l’effort de vérifier … » 

Voix blanche, colère sourde, violence contenue, au bout du fil j’ai entendu que cela s’active… « Madame, on les faxe tout de suite au médecin. »  Ouf, je vais y aller à  ce fichu rendez-vous.

Je rappelle le médecin « Pour le moment je n’ai rien, rappelez-moi  dans … » « pas question !  J’ai rendez-vous, les résultats ont été faxés, je viens, si les résultats ne sont pas là on appellera ensemble le labo »  Je crois que mon ton ne laisse que peu de doute sur mon état d’esprit. Même pas honte.

Salle d’attente. 14h30, j’entre dans le cabinet de consultation, je remarque que le fax crépite et crache les feuillets qui scellent mon destin. Cela me rappelle un peu un film de science-fiction … je ne saurais dire lequel, mon esprit sature.

Le médecin prend connaissance des éléments. Froid, direct, professionnel : « Et bien, ce n’est pas bon, c’est bien une tumeur cancéreuse ».  Je ne peux même pas dire que j’ai été surprise. Je ne peux même pas dire que je me suis effondrée. Je ne peux même pas dire que j’ai pleuré. Tout ça c’était déjà du passé, et ce n’est que la confirmation de ce que je pressentais depuis le jour de la mammographie. Le premier choc est déjà encaissé.

Cancer, d’accord, voilà, le mot est prononcé, mais il me faut en savoir un peu plus. Les mots « invasif » « grade 3, agressif » « cellules peu différenciées multiplication rapide » se précipitent dans mon cerveau qui tourne à cent à l’heure … mes cours de sciences sont bien lointains, mais oui, mitose je sais encore ce que cela veut dire. C’est pas bon tout ça. C’est pire que ce que j’aurais souhaité.  Et là c’est un vrai nouveau choc.

Bon et maintenant ?  

téléchargement (4)

Quelles sont les réjouissances à envisager ? Un retour en métropole parce qu’ici il n’y a pas de prise en charge de cette maladie, bien sûr et n’est pas plus mal quand on voit les installations hospitalières ici de toute façon …  

Si j’ai un endroit où je souhaite me faire soigner en France ? Bon, comment dire,  je vis ici, en Guyane, et je dois y réfléchir un peu … vous comprenez,  ce n’est pas comme dans un jeu télévisé où on a déjà entré les coordonnées de l’ami que l’on va appeler pour résoudre le problème en trente secondes chrono en main !  Et je ne peux même pas faire appel au public, je suis seule.

Oui, je vais y réfléchir, oui, je vous tiendrai au courant de mon choix pour les démarches. Oui, je remplis les documents. Oui, je transmets à la caisse d’assurance maladie le dossier pour déclencher  le protocole médical.

Il me donne son mail, si j’ai des questions à poser, je lui donne un chèque de 32.60 euros. Tiens, j’ai une question : si je paye un peu plus je peux avoir une meilleure nouvelle ?

Je rentre un peu sonnée.

Pas surprise, mais déçue que mon corps ait réussi à me cacher un truc aussi agressif, sans un signe avant-coureur, sans un petit symptôme, on ne joue pas dans le même camp on dirait ? Traitre.

Mon homme prend conscience de la situation aujourd’hui  car contrairement à moi il n’avait pas déjà fait le tour de la question. Il est dans la catégorie « procrastination », moi c’est plutôt « anticipation ». Je discute avec lui de la façon dont  les choses vont maintenant se passer.

Il relativise, essaye de me rassurer, c’est un cancer fréquent, qui se soigne bien. On fera le nécessaire pour ça. Il sera là pour moi. Certains traitements risquent d’être un peu lourds, mais il y a eu tellement de progrès, et puis tous les inconvénients sont provisoires. Bon, s’il y a besoin de tailler dans la masse il y a maintenant la chirurgie esthétique.

J’essaye de plaisanter. De toute façon je râle tous les jours après mes cheveux que je n’arrive pas à coiffer, là au moins je n’aurai plus ce problème. J’ai aussi quelques kilos à perdre et avec un peu de chance les nausées m’y aideront. Quant à la chirurgie, je pensais justement à faire remonter un peu mes seins qui subissent le poids des ans, j’en profiterai pour prendre une taille de plus tiens !

Au-delà de l’aspect purement médical, Il mesure aussi d’un coup les conséquences pratiques, je serai seule en France pour lutter contre la maladie, il sera seul ici pour travailler.

Je crois qu’il a peu dormi de la nuit.

Moi je suis tombée comme une masse, espérant ne pas me réveiller dans la même réalité, qui sait dans un monde parallèle peut-être, ou alors dans une histoire différente.

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âme-Stram-Gram
  • Ma vie vient de prendre un nouveau tournant, j'ai un cancer. Ma réalité est bouleversée, mes projets sont suspendus. Ce voyage là sera long et semé d'embûches, comme au temps des grands navigateurs, c'est donc un carnet de bord que je me propose de tenir
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