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âme-Stram-Gram
31 janvier 2014

Premier mois

Janvier 2014

Joyeux anniversaire

C’est un anniversaire très particulier, mais au moins je l’ai partagé avec mes enfants. Chacun rentre maintenant chez lui, retour au quotidien. Mon Homme bénéficie d’un arrêt maladie pour m’accompagner jusqu’à ce que je retrouve mon autonomie, une quinzaine de jours.

Si la première semaine c’est le cathéter abhorré qui a été le plus douloureux, la deuxième semaine un œdème sous le bras où le ganglion a été prélevé me gêne dans chaque mouvement, en plus de la sensation de poids lié à l’hématome dans le sein opéré.

Surtout, aspect bassement terre à terre, je ne sais plus quoi porter comme soutien-gorge ! J’avais bien essayé d’anticiper car avec un soutien-gorge à agrafer dans le dos je ne serais pas autonome, mais pour la brassière à enfiler impossible de lever les bras, la brassière de sport qui se ferme devant serre beaucoup trop, le top bandeau à un élastique qui appuie au mauvais endroit, je me rabats donc sur un bandage de maintien, à défaut de mieux. 

 Il me semble que les choses n’évoluent pas vite, il n’y a pas vraiment de douleur mais une gêne qui persiste dans tous les mouvements, 15 jours après l’intervention cela me parait long maintenant.

Les pansements sont changés tous les deux jours, cela cicatrise bien à priori, mais je n’ai toujours pas eu l’envie, le courage, de regarder à quoi ça ressemble. Il n’y a rien d’urgent, je vais attendre que tout redevienne plus normal pour affronter le résultat. J’ai une série de mouvements à faire tous les jours pour mobiliser les deux épaules. Je mobilise, je mobilise, mais pas encore au point de tourner un volant, je me laisse donc conduire, j’en profite.

 

Figure pas si libre

Une chose me rend complètement folle aussi, c’est l’impossibilité de dormir autrement qu’à plat dos, ce que j’ai du mal à supporter en temps normal. A droite le cathéter me fait mal, à gauche c’est la cicatrice. Incrustée à plat dans le matelas, j’ai la désagréable impression d’être une tortue échouée sur le dos. Le coucher et le lever relèvent d’un gag, je joue le culbuto ... mais au fur et à mesure que les jours passent je suis capable d’exécuter une figure libre, le « twist ». Il s’agit tout en gardant les épaules à plat de basculer la tête du côté choisi dans un premier temps, puis de replier les deux genoux simultanément et de les basculer du même côté que la tête en opérant une torsion uniquement au niveau du bassin, d’où le nom imagé de « twist ». Expliqué comme ça cela peut paraître un rien compliqué mais pour avoir une vision plus claire, il s’agit en fait de dormir en demi-chien de fusil.

En tout cas cela donne vaguement la sensation de dormir sur le côté et à coup sûr mal au dos !

 

Mission Discovery

Aujourd’hui j’ai rendez-vous pour retirer les sutures et faire le point post opératoire. L’infirmière fait le gros du boulot et le professeur du service qui m’a opérée ne fait qu’un bref passage pour constater, dicter son compte rendu, confirmer la chimio et me donner rendez-vous avec l’oncologue pour la suite. Au revoir et merci. Bon cela tombe bien je n’avais pas de questions particulières.

J’ai encore deux examens de scintigraphie à passer et un scanner avant le rendez-vous qui déterminera le traitement, l’un pour vérifier l’état cardiaque et l’autre pour repérer toute éventuelle extension osseuse des cellules cancéreuses. Il parait que les os sont le lieu de villégiature favori des métastases, manquerait plus qu’un cancer des os …

Rendez-vous est pris au service de médecine nucléaire, rien que le nom est inquiétant !  Le principe est l’injection d’une substance radioactive qui circule, se fixe et devient repérable par imagerie pour mettre en évidence d’éventuelles anomalies. A priori les doses radioactives sont faibles, mais une fois l’injection faite on me conseille quand même de ne pas approcher de trop près de femmes enceintes ou de bébés … je me demande bêtement si je brillerai dans le noir le soir ?

L’examen est totalement indolore, si on fait abstraction de l’intraveineuse, mais long, il faut trois heures pour que le produit circule jusqu’aux os, heureusement je ne suis pas condamnée à rester dans la salle d’attente. Pour la séance photos qui suit rien de bien compliqué, juste un peu surprenant, rien à voir avec un shooting mode. Isolée dans un bunker ou tout est d’un blanc immaculé, je me retrouve allongée, les bras immobilisés dans une sorte de manchon, sur un plan assez étroit prolongé par une sorte de tube qui ressemble au sas d’accès d’une navette spatiale, avec pour consigne de ne pas bouger. Je ne risque pas de bouger, je suis fascinée par l’ambiance science-fiction, même le nom de l’appareil, Discovery NT 670 en lettres brillantes, y contribue !

Un chuintement accompagne les mouvements horizontaux de ma couchette d’appoint. En avant, en arrière, je me retrouve dans le sas que je voyais au bout, avec un éclairage de discothèque qui semble me balayer dessus mais aussi dessous, on ajuste, quelques allers retours, j’ai maintenant une sorte de cible au-dessus de la tête. Je vois avec un peu d’inquiétude la cible se rapprocher de mon visage, la plaque descend, j’ai l’impression que comme dans les films d’horreur rien ne pourra l’arrêter, c’est digne de destination finale … mais la plaque s’immobilise enfin à trois centimètres de mon nez … Le bruit devient comparable à la phase essorage d’une machine à laver au moment où l’ensemble du sas se met à tourner sur lui-même, autour de ma couchette. Une expérience futuriste.

L’examen est fini, rien ne filtre, les résultats seront communiqués directement au médecin, je devrai attendre le verdict.

Pourvu que mes cellules n’aient pas eu autant la bougeotte que moi et n’aient pas eu l’idée d’explorer les canaux sanguins vers des destinations exotiques … pourvu que mes cellules ne soient pas migrantes en plus d’être hyperactives !

 

Ici et maintenant

On vivote à deux dans la maison d’été, on profite du bord de mer déserté, du spectacle des flamands paresseux, des couleurs encore automnales, de la douceur relative de la saison. Le temps est comme suspendu, il s’écoule à un rythme différent.

Même si je savoure ces instants simples et magiques, j'ai pour le moment  la sensation de devoir mettre ma vie "normale" entre parenthèses, un temps hors du temps ... impression bizarre d'assister, ou plutôt de participer à une scène qui ne m'appartient pas vraiment, un rôle de composition …  si c'est bien moi qui joue, je ne l'ai pas choisi, mais en même temps je n'ai pas vraiment eu le choix !

Pourtant, au fil des jours j’ai de plus en plus de mal à me rappeler de ma vie « avant » et surtout « ailleurs », là-bas, si loin … les pièces de ma maison, mes chats, le jardin, la piscine, les amis, mes activités, les trajets, tout cela bien que familier me semble si loin.  Mon esprit et mon corps ont du mal à restituer la sensation de chaleur enveloppante, le chant entêtant des grenouilles, la vertigineuse odeur de la terre mouillée, les couleurs éclatantes de la végétation. J’ai l’impression qu’il ne s’agit plus que de vieux souvenirs qui s’estompent déjà, à la manière d’une photo ancienne qui perdrait ses contours. C’est déjà le passé.

J’ai l’impression que le temps est suspendu. Je m’installe petit à petit, je me créé de nouvelles habitudes de nouveaux repères, et si je ne me projette pas dans les mois à venir c’est pour mieux affronter le présent. Le présent est un instant fragile qu’on oublie parfois de vivre,  pressé que l’on est de découvrir l’avenir que l’on imagine parfois à tort toujours meilleur. Le présent bascule dans le passé sans même que l’on s’en rende compte.

Et cette histoire appartiendra bientôt au passé et dans mon avenir chaque instant présent aura une saveur particulière.

 

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P1010142 (Copier)

 

 

Pour le pire et pour le pire

Mon Homme doit maintenant reprendre l’avion, il reprend le boulot lundi. Il reviendra aux prochaines vacances, au moment où je serai sensée démarrer la chimio. Ce qui aboutit à la situation paradoxale où je vais attendre son retour avec impatience, mais aussi avec une appréhension certaine à cause de la chimio. Rien n’est jamais simple décidément.

Bientôt je serai donc seule ici. Enfin, seule dans la maison, mais avec quand même les amis de mes parents, les voisines, les connaissances d’été qui débarquent, les appels téléphoniques, les connexions par Skype, les mails des amis à toute heure du jour … il me faudrait presque un secrétariat ! Je pense que maintenant tous les membres de mon immense famille, même les plus éloignés, sont au courant et se manifestent. Cette maladie aura au moins le mérite de réactiver les liens distendus par la distance géographique.

Bientôt il sera seul là-bas. Seul dans la grande maison. Seul après le boulot. Seul le week-end. Pas sûre en plus qu’il réponde aux invitations des uns ou des autres, il est généralement du genre « ours » au quotidien et il faut se battre pour entretenir un minimum de vie sociale. Du coup il risque d’être plus seul que moi finalement dans cette histoire. Etre malade n‘est certes pas drôle, mais devoir accompagner quelqu’un de malade n’est vraiment pas une sinécure, devoir tout supporter, tout endurer, comme une évidence parce que l’autre est malade, sans un seul réconfort parce que c’est lui qui est censé réconforter. 

En plus c’est lui qui va passer les prochains mois entre deux avions, à devoir rattraper le décalage horaire dans un sens pour recommencer dans l’autre.

Mais un jour on a signé pour le meilleur et pour le pire, et on a beaucoup partagé du meilleur, là je crois qu’on en est à une tranche de pire.

 

Relais

Seule ? À peine quelques jours,  ma fille arrive pour la semaine. On en profite pour aller au salon des loisirs créatifs, je dois trouver de quoi m’occuper ! La participation à quelques ateliers sur place nous permet de découvrir techniques et matériaux, classiques ou innovants. Je ne rate jamais une occasion de diversifier mes pratiques. Peinture, pastels, bijoux, cartonnage, mosaïque, je touche un peu à tout, mais je reste amatrice curieuse plus que réellement artiste. Il me manque la fibre purement créatrice et surtout la capacité à prendre des risques pour en faire une réelle activité. Peut-être qu’il faudrait que j’ai le courage de m’affranchir de mon côté « fourmi » tiens.

Quoiqu’il en soit nous passons quelques jours d’autant plus agréables qu’ils sont précieux parce que rares depuis ces dernières années, à cause de la distance et parce qu’elle a sa propre vie.

C’est ensuite au tour de mes parents de prendre la relève et là encore je considère ces moments comme des instants volés. Mon père fête ses 81ans et jamais nous ne sommes présents à cette période de l’année.

Le choix d’expatriation que nous  avons fait est un choix de vie particulièrement égoïste.

Avec la distance nous évitons les tensions palpables et des engueulades mémorables des familles décomposées, recomposées. Les relations sont apaisées. Mais nous avons aussi perdu un peu de la réalité de la vie de chacun. Quand nous repassons par la France c’est toujours sur des périodes courtes et peu fréquentes. Bien sûr il y a le téléphone. Heureusement il y a internet et les visioconférences.

Mais là je mesure toutes les difficultés de mon père qui  avance en âge. Toutes les difficultés de ma belle-mère aux prises avec une maladie orpheline et invalidante. Et à ce moment précis même si je sais pouvoir compter sur eux, je regrette de devoir encore alourdir leur fardeau.

 

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Coup de gueule

Aujourd’hui c’est le rendez-vous tant attendu avec l’oncologue qui doit statuer sur mon cas. C’est ma belle-mère qui m’accompagne, on ne sera pas trop de deux à écouter pour tout comprendre je pense, d’autant que le temps du spécialiste doit être compté et qu’il vaudrait mieux ne rien oublier. J’ai tellement de questions qui se bousculent cette fois !

Mais la première, la seule, la plus importante pour moi c’est « la chimiothérapie sera-t’elle obligatoire ? »

Depuis que le mot « cancer » a été prononcé c’est presque l’idée qui me dérange le plus. L’idée, ou les idées devrais-je dire.

 L’idée de devoir recourir à des produits chimiques qui pour moi sont synonymes de poisons. L’idée que ces poisons vont circuler dans mes veines, dans mon corps. L’idée que ces substances destinées à tuer les cellules dégénérées à développement rapide du cancer vont aussi tuer toutes les cellules saines à développement rapide de mon corps, à l’aveugle, sans différencier. L’idée que ces toxines vont ainsi perturber mon bel équilibre et générer des réactions plus désagréables les unes que les autres, tout en risquant de me laisser sans défenses immunitaires.

Bref je ne me sens pas malade et là je vais le devenir. Il y a quelque chose que mon esprit cartésien n’arrive pas à intégrer, comment tuer les cellules sans prendre le risque de tuer le patient ?

J’ai eu une fraction de seconde l’espoir que je pourrais y échapper quand l’oncologue a confirmé qu’il n’y avait pas d’invasion ganglionnaire, ni de métastases osseuses. L’espoir a été balayé par la conclusion : deux traitements complets et complémentaires soient 6 perfusions de 2 à 3 heures espacées de 3 semaines. Cela nous mène jusqu’au mois de juin. On complète ensuite par une radiothérapie locale. 1 mois de repos et 5 semaines de traitement quotidien. Cela nous mène cette fois au mois d’Août. Et il confirme surtout toutes mes craintes concernant les effets secondaires liés à la disparition de cellules rapides comme celles de la peau, des muqueuses, des follicules, des globules blancs. Je dois dire qu’à ce stade la perte de mes cheveux est le cadet de mes soucis.

Je n’arrive pas à comprendre, les cellules ne sont pas parties en balade alors à quoi bon enchaîner sur un traitement aussi costaud juste « au cas où » ? pire, une fois la tumeur enlevée, les éventuelles cellules baladeuses traquées et détruites, que restera -t ’il à bruler par radiothérapie localement ? La réponse n’est-elle pas légèrement exagérément violente, radicale ? L’oncologue remet dans la balance les avantages et les inconvénients car à mon âge – je peux encore espérer une trentaine d’années -  il convient avant tout d’écarter les risques de récidive. Donc si je comprends bien, même s’il n’y a qu’un tout petit risque de cellule baladeuse il vaut mieux pratiquer la politique de la terre brulée ? J’ai eu envie de refuser. "non merci, finalement je n'en prendrai pas ..."

Dans l’art de la guerre on parle de « frappe ciblée » et en médecine alors, il n’existe pas de traitement ciblé ? C’est un comble on peut choisir la frappe « chirurgicale » pour tuer avec précision mais on « extermine » massivement un type de cellule pour espérer guérir.

Je pensais qu’on avait évolué vers des traitements personnalisés des cancers, c’est en tout cas ce que j’avais lu sur les revues de prestige à destination des patients dans la salle d’attente.

De fait, le traitement ciblé existe, mais pas systématiquement. Et dans mon cas il n’est pas proposé.

L’effet « Napalm » de la chimiothérapie pourrait être évité dans 70% des cas. Il existe un test. Il s’agit d’un prélèvement d’ADN qui permet de déterminer pour une femme ayant développé un cancer du sein le risque de métastase ou de récidive. Ce test est utilisé aux USA. Il coûte plus de 3000 euros et n’est pas proposé en France. Certes 3000 euros c’est une somme, mais combien représente un traitement complet en chimio puis en radiothérapie, plus la prise en charge des effets secondaires et le traitement de certaines pathologies liées à la baisse des défenses immunitaires ? Combien économiserait-on –pour ne parler que de charges financières – en évitant à plus de la moitié des femmes une chimiothérapie au mieux inutile, au pire dangereuse ?

Ah, mais bien sûr, j’oubliais un détail, il ne s’agit sûrement pas des mêmes laboratoires qui développent les produits de chimio et ceux qui essayent de les éviter …

J’oubliais qu’en France il n’y a plus que la logique financière qui gouverne à tous les étages.

Coup de gueule.

Je vais donc la subir cette chimio, juste « au cas où ».

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âme-Stram-Gram
  • Ma vie vient de prendre un nouveau tournant, j'ai un cancer. Ma réalité est bouleversée, mes projets sont suspendus. Ce voyage là sera long et semé d'embûches, comme au temps des grands navigateurs, c'est donc un carnet de bord que je me propose de tenir
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