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âme-Stram-Gram
28 février 2014

Deuxième mois

Février

La vie cachée des pierres

Maintenant que la décision est prise, il ne me reste plus qu’à m’y préparer au mieux, pour en tirer le meilleur parti tout en limitant les dégâts.

J’ai profité du fait d’être – enfin – seule pour me poser. Je le dis sans méchanceté et surtout sans ingratitude par rapport à ceux qui m’accompagnent, mais j’ai besoin d’un peu de temps, de faire un peu le vide dans ma tête et dans mon corps.

Pour mon corps une bonne cure de désintoxication alimentaire et le plein de petits plaisirs pour le préparer à affronter les semaines à venir. Citron, kiwis, baies de goji, thé vert, savon naturel, crème hydratante, massage, huiles essentielles, phytothérapie, bains de bouche au bicarbonate, manucure aux vernis à base de silicium … je mets en œuvre tous les conseils glanés au fil de mes lectures. J’en profite aussi pour passer chez le coiffeur raccourcir mes cheveux, bien trop longs et comme ils doivent tomber, il faut que je commence à m’habituer au changement de look.

Pour l’esprit, il me faut maintenant accepter de subir la chimio avec sa cohorte de risques et d’effets secondaires. Les échanges sur les médecines alternatives avec ma petite sœur redeviennent d’actualité ainsi que le livre de méditation qu’elle m’a prêté et que je  n’ai pas encore eu envie d’ouvrir.

Je passe quinze jours à m’occuper de moi et uniquement de moi, égocentrée, égocentrique.

Mes errances, mes lectures et les conseils de mes amies m’amènent à m’intéresser de près à la Lithothérapie, mais comment des pierres, ces matériaux inertes pourraient avoir un quelconque pouvoir curatif ? Magie ou science ?

En fait, les pierres ne sont pas des corps si inertes que ça, malgré leur apparente  stabilité et immuabilité. Les pierres sont- comme tous les corps de la nature- faites d’atomes et d’électrons,  elles échangent donc des ions, de la chaleur, de l’électromagnétisme, de la radioactivité avec les éléments qui les entourent en fonction de la plus ou moins grande présence d’aluminium, de lithium, d’iode, de brome, de silice, de nitrate, de potassium …. Pour preuve les oxydations, les réductions, les transformations décrites par la chimie. Les combinaisons sont aussi variées qu’il y a de pierres différentes, et c’est par une action électrique à partir des éléments chimiques contenus dans les pierres que celles-ci peuvent avoir un effet sur la santé. Après tout, la médecine traditionnelle sait donner du magnésium, du fer, du cuivre, du lithium sous forme orale. La lithothérapie fournit à sa façon à l’organe malade l’élément chimique dont il a besoin mais par voie énergétique, par rayonnement des ondes.

Me voilà donc éclairée et mon esprit cartésien subjugué. Et après tout pourquoi pas.

Après un repérage des magasins ésotériques de la grande ville la plus proche, c’est maintenant les petites rues de la vieille ville que j’arpente, sous un ciel bleu de bon augure. Au fil des petites places ombragées, des coursives et escaliers de pierre, je passe l’après-midi à chercher, choisir mes pierres, en me fiant aux sensations. Je reviens fourbue mais avec mon nouveau trésor.

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Une labradorite – très belle pierre noire aux éclats bleus irisés et verts - pour absorber les énergies négatives, en particulier en milieu hospitalier lors des très prochaines chimios, c’est à la fois un bouclier et une éponge. Un jaspe rouge sang, toute lisse, reconnu comme protecteur suprême il est sensé apporter énergie et vitalité, idéal pour lutter contre la fatigue. Et enfin, la Sugilite, celle qui m’a donné le plus de mal car elle est devenue rare, le gisement en Afrique du Sud est épuisé, et j’ai eu la chance de trouver la dernière dans un magasin qui ferme rue des Sœurs Noires, cela ne s’invente pas. Une pierre qui parait noire au premier abord, lisse, mais qui en fait est veinée de violet. C’est LA pierre dédiée au cancer car elle renforce le système immunitaire et stimule la régénération cellulaire.

Mais mon expérience ne s’arrête pas là. Il faut maintenant préparer ces pierres : les décharger d’ondes éventuellement négatives, les purifier en utilisant le sel et l’eau de source puis les recharger, aux rayons solaires dans le cas présent. J’aurais au moins appris quelque chose.

 

Poison

Et voilà, le jour J arrive et mon Homme aussi.

Je le récupère à l’aéroport et nous filons vers l’Institut. Il n’aura pas le temps de se remettre du décalage horaire ni de la longueur du vol. Le plus fatigué des deux ce soir ne sera peut-être pas celui qu’on pense !

Je vais d’abord faire ma séance de sport puisque je participe à une étude sur les effets de l’activité physique dans la pris en charge du cancer. Non, non, personne ne m’y a contrainte ! Je me suis désignée volontaire. Parce que je sais que c’est une bonne chose, parce que cela faisait partie de mes bonnes résolutions pour ne pas céder à la fatigue, parce que sans cet engagement j’aurais peut-être tendance à baisser les bras, parce que j’ai besoin de quelques contraintes si minimes soient elles au quotidien.

A la fin de la séance qui m’a permis de faire un peu le vide je suis accueillie à l’hôpital de jour. On me propose un patch anesthésiant à appliquer au niveau du  porta cat, et un comprimé pour éviter les nausées, en fait plutôt pour en bloquer la perception au niveau du cerveau, on n’arrête pas le progrès. L’oncologue de service ce jour, une jeune femme brune et dynamique, refait le point sur les différentes étapes du protocole FEC, qui consiste à perfuser trois produits dont les initiales forment l’anagramme FEC, et les probables effets secondaires. J’ai bien failli écrire effets spéciaux.

Une infirmière toute en douceur se présente et me dirige maintenant vers une chambre individuelle, privilège de la première chimio car les prochaines auront lieu dans des salles communes, en « box ». Je me trouve étonnement calme. Il est vrai que je j’ai utilisé les Fleurs de Bach tous ces derniers jours pour rester sereine, et que j’ai aussi essayé de travailler sur l’acceptation de cette cure.

Cure ? Mieux vaut en rire ! Quand on dit cure je pense à priori à cure thermale, ou cure de thalasso, atmosphère feutrée, ambiance zen, effluves douces, produits de soins bienfaisants, bref séjour de rêve. Mais en fait, ici on se situe vraiment dans l’aspect « curatif », le sens premier de traitement de soin. Et du traitement de soin au traitement de choc, il n’y a qu’un pas que je vais franchir.

Je suis maintenant installée, assise dans un fauteuil lit, manches relevées, col ouvert. L’infirmière fait sortir mon Homme, les choses sérieuses vont commencer. Où sont mes Fleurs de Bach ?

J’aurais voulu avoir la force de me lever et le courage de dire « finalement, non merci, je n’en prendrai pas ! » mais j’ai été bien élevée et je ne peux faire faux bond à mes hôtes alors que tout est prêt. Je me suis donc contentée de regarder du coin de l’œil, la potence, le pupitre,  toutes ces poches, ces tubes, ces mini robinets qui n’allaient pas tarder à entrer en fonction.

L’infirmière termine les préparatifs, rassurante, calme, méthodique,  elle nettoie maintenant le porta cat qui va servir pour la première fois, l’odeur écœurante de la Bétadine arrive  à mes narines et déclenche la panique habituelle. Tous les voyants d’alerte sont maintenant au rouge, toutes mes bonnes résolutions s’envolent comme des pétales de Fleurs de Bach au vent et c’est maintenant en perfusion d’un litre qu’il me faudrait le « rescue ». Tout mon corps se rebiffe contre le FEC et dans ma tête une voix crie « F u c k  FEC ! ne les laissez pas faire ! »  La boule que j’ai dans la gorge menace de m’étouffer et c’est finalement une bolée de larmes qui sert de soupape. Je m’en veux un peu de me laisser submerger par ce flot irrépressible et incompressible de larmes, mais c’est la dernière barrière qui tombe, maintenant ce qui doit être est.

La voix rassurante de l’infirmière a un effet lénifiant, elle me parle des effets positifs, de la nécessité d’accepter ce traitement en toute conscience, m’enjoint de respirer tout en écoutant ma respiration, finalement mes larmes s’assèchent, mon corps se détend, la séance peut commencer.

« Respirez un grand coup, bloquez, je pique »

Même pas mal !

Après les produits adjuvants destinés à détendre et  prévenir les vomissements, on attaque les trois poches, dont une rouge rubis, certainement la pire avec une couleur aussi diabolique.

Je ne sais pas à quoi je m’attendais, j’avais l’impression que je sentirais ce poison dès qu’il s’infiltrerait dans mes veines, qu’une quelconque sensation chaleur ou froid se ferait sentir, et là rien. C’en est presque décevant. Les liquides s’écoulent comme les minutes.

C’est maintenant à la visite de la diététicienne que je j’ai droit, toujours dans le cadre du panel d’étude auquel je participe. Du coup je ne vois pas le temps passer, et c’est avec surprise que j’entends le dernier bip, qui marque la fin de la perfusion.

Mon Homme a pu se reposer un peu. C’est donc lui qui conduit sur les trente kilomètres du retour à la maison. Assise dans le siège passager, je guette. Aucun signe. Même pas la sensation d’être vaseuse. Même pas un coup de fatigue. Rien. L’ennemi progresse en silence, guettant sa proie, a cellule vive. Tant pis pour les dommages collatéraux.

Nous arrivons à a maison, défaisons les bagages, échangeons sur les dernières semaines passées à distance, préparons le repas, toujours aucun signe.

Mon Homme sombre dans un sommeil réparateur, alors que dans la pénombre j’essaye de suivre mentalement le parcours des substances injectées, j’essaye au passage de repérer des signes d’activité inhabituelle, aucun signe. Je finis par m’endormir.

Un petit coup de fatigue le surlendemain.

L’apéro ou le vin, il faut oublier, j’ai l’œsophage un peu « écorché ».

Le repas prévu à revoir, les épices m’incendient la bouche.

Quelques cachets contre les nausées, contre la constipation puis contre la diarrhée et c’est tout.

Je vais bien. La vie continue. On va marcher.

Je reste à l’écoute, mais mon corps ne me renvoie pas de signaux trop négatifs.

 

 

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Xie Xie

Encore un pas sur le chemin de la prise en charge naturelle, ou tout au moins l’accompagnement naturel et ancestral proposé cette fois par la médecine chinoise, la médecine européenne s’attaquant plus aux symptômes qu’aux causes, s’intéressant plus à la maladie qu’au patient.

Rendez-vous pris chez le maître à penser de ma sœur lors de sa formation en médecine chinoise.

Après un compagnonnage de plusieurs années  en Chine le « maître » s’est installé dans l’arrière-pays Nîmois, un adorable village  moyenâgeux où il consulte quand il ne parcourt pas l’Europe pour dispenser ses cours ou participer à des colloques.

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Cela sent presque les vacances pour mon Homme et moi, en plus le temps est particulièrement clément, les paysages sont magnifiques, et nous voilà touristes d’un jour. Nous avons même mangé à la terrasse du bistrot du village, où nous avons pu déguster des tapas version verrines en attendant l’heure du rendez-vous.

 

Rendez-vous étrange, pas d’auscultation à proprement parler, mais des foules de questions aussi improbables les unes que les autres, déconcertantes parfois, intimes, et une prise de pouls … pour nous le pouls c’est la perception du battement du cœur au niveau d’une artère, mais en médecine chinoise c’est bien plus subtile, il y a DES pouls. La prise de pouls s’effectue à trois endroits différents et à chaque poignet. Cette palpation permet d’établir un bilan sur l’état énergétique du corps et ses défaillances. C’est comme ça que j’ai appris que mon foie et mes poumons doivent être soutenus. Et je sors avec une pharmacopée étrange, une poudre constituée de plusieurs plantes à diluer dans de l’eau chaude et à prendre trois fois par jour.

L’odeur déjà écœurante de la poudre est amplifiée par l’eau chaude, et je suis au bord de la nausée à chaque prise, mais il parait que c’est pour le bien de mes organes qui sont mis à mal par les attaques de produits chimiques inodores, incolores, eux mais bien plus invasifs.

Voilà, Xie Xie et zai jian, merci et au revoir, c’est presque tout ce qui me reste de mon voyage en chine, en plus de souvenirs inoubliables bien sûr.

 

Tricho…machin

J’ai dû rechercher le terme croisé au cours de mes lectures, je souffre maintenant de « trichodynie » autrement dit  de « mal aux cheveux »,  et rien à voir avec la gueule de bois, c’est plutôt le mal au cuir chevelu qui annonce la chute imminente des cheveux.

Je dois dire que bizarrement je n’appréhende pas trop, à la trentaine j’aurais sûrement été catastrophée, mais là j’ai pris la nouvelle plutôt sereinement, d’ailleurs mes cheveux je ne sais plus comment les coiffer ! Je ne travaille pas, je suis en France dans une région où je ne côtoie habituellement que peu de monde, cela doit jouer aussi.

Mais bien sûr j’avais  posé la question fatidique quand même lors du premier rendez-vous, et la réponse avait été sans équivoque, oui, les produits injectés dans mon cas génèrent une attaque en règle des follicules pileux et entre autres la chute des cheveux. J’en avais pris mon parti mais je ne m’attendais pas à avoir si mal au cuir chevelu !

Sensation désagréable d’avoir des bleus sur le crâne, ou d’avoir porté une queue de cheval trop serrée. Tiens cela me rappelle mon expérience antillaise de tresses africaines très serrées et alourdies de perles !

Certaines zones sont hypersensibles au toucher et passer une brosse dans ma tignasse qui résiste devient particulièrement douloureux.

A d’autres moments je sursaute avec l’impression que des bestioles rampent sur mon crâne, se faufilant à la racine de mes cheveux … mais loin de mon Enfer Vert, peu de chance que des mille-pattes soient en cause !

Maintenant je me demande quand mes cheveux vont tomber, pas que je sois pressée, mais c’est l’inconnu pour moi, vont-ils tomber d’un seul coup, par poignées, ou vais-je les semer comme le petit poucet ?

Quoi qu’il en soit, il est temps de choisir mes cheveux de substitution, une perruque, ou prothèse capillaire comme ils disent.

Mon Homme ne résiste pas au plaisir de me voir en blonde, fantasme quand tu nous tiens ! Mais le blond, définitivement ce n’est pas pour moi. J’ai trouvé celle qui ressemble le plus à ma coiffure actuelle, mais j’ai justement envie d’en changer, c’est donc l’occasion de tester plusieurs coupes mi- longues puis carrément courtes. Cela me semble finalement préférable de partir sur du court car si je reprends le boulot à l’issue du traitement il va me falloir du temps avant de récupérer une bonne longueur, la transition entre perruque et cheveux sera moins choquante.

Bref rendez-vous relooking, cela m’amuse presque. J’envoie des photos avec possibilité de vote aux membres de la famille et je finis par opter pour une coupe courte, structurée et méchée ton sur ton, je n’aurais jamais été aussi bien coiffée ! Cette nouvelle tête plait à mon Homme. Et moi j’avais envie de changement.

Bon, en attendant je m’amuse à raccourcir moi-même ma coupe au fur et à mesure que le temps passe. Coupe et recoupe ! J’aurai pu être coiffeuse, ou bien je l’ai été dans une autre vie. En tout cas je l’ai toujours fait pour mes enfants quand ils étaient jeunes, ou pour une copine, mais couper soi-même à l’arrière de la tête cela relève de l’impossible, j’ai donc convaincu mon Homme de participer. Après quelques hésitations, comme de toute façon cela n’a pas grande incidence, il s’est lâché et on s’est bien amusés à transformer ma coupe en carré court, voire même très court à l’arrière, et plongeant devant, pas si mal. Emporté par son élan mon Homme me propose même de se raser aussi les cheveux par solidarité. On en reparlera … à tête reposée !

Mayday, mayday !

Ce matin je me sens un peu fatiguée, sans entrain. Je reviens de ma séance de kiné, les jambes lourdes, courbaturée. 37.8, je suis en période critique de chute des globules blancs, l’oncologue m’a conseillé de vérifier ma température en cas de doute.

Rien d’extraordinaire, mais les leucocytes sont aussi des cellules à développement rapide et n’échappent pas à l’extermination systématique. Un fonctionnement normal prévoit que les anciens globules qui meurent en fin de cycle soient remplacés par de tous jeunes et fringants défenseurs du système immunitaire. Dans le cas d’une chimio il arrive que les petits nouveaux malmenés ne soient pas au rendez à temps laissant champ libre aux affreux virus.

Et là je reviens des années en arrière, quand mes frères regardaient ce dessin animé « il était une fois la vie » et qu’ils croyaient avoir dans le corps des petits bonhommes aux bras musclés pour attraper les vilains.

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« mayday,mayday ! Nous sommes attaqués envoyez-nous les renforts ! »  Escadrille des VG (vieux globules) en perdition totale.

La moelle épinière : « Alerte, alerte ! à vos postes ! Mais bon sens où sont-ils donc tous passés ? » l’escadrille des NG (nouveaux globules) ne répond pas, les installations ont été insidieusement attaquées et détruites par les agents doubles du FEC.

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L’ennemi est dans la place.

L’infection gagne du terrain, 38.9, 39.4

Prise de sang qui confirme l’aplasie, mon taux de globules blancs au plus bas nécessite une hospitalisation en chambre stérile.

Mince, on avait parlé d’aller passer deux ou trois jours à l’hôtel pour visiter un peu la Camargue, et me voilà coincée en vacances forcées avec fenêtre sur parking des ambulances. Pas mal l’hôtel mais le réveil à 7h du mat et le dîner à 18h30 comment dire … cela ne correspond pas à mes habitudes ! Elle est où la fiche client pour les réclamations ?

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Commentaires
âme-Stram-Gram
  • Ma vie vient de prendre un nouveau tournant, j'ai un cancer. Ma réalité est bouleversée, mes projets sont suspendus. Ce voyage là sera long et semé d'embûches, comme au temps des grands navigateurs, c'est donc un carnet de bord que je me propose de tenir
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