Chimiothérapie, deuxième partie

Mai

Happy birthday

Ce mois de mai c’est l’anniversaire de mes enfants, les deux à quelques jours d’intervalle. Le premier grand week-end est donc l’occasion pour tous de se retrouver. J’ai demandé à déplacer du vendredi au lundi ma chimio pour pouvoir en profiter pleinement.

Ce week-end a un air de fête, comme du temps où nous n’avions pas encore émigré vers les tropiques  et où la famille se retrouvait au grand complet.

Ici et maintenant, le temps suspend son vol, chaque minute de ces quatre jours me comble de bonheur. Je ne sais pas s’il y en aura d’autres, mais s’il ne doit me rester qu’un souvenir je voudrais que ce soit celui-là.

Les trains sont en général à l’heure, le week-end est fini, et demain j’ai une nouvelle cure qui commence.  C’est bête, j’aimais bien l’autre, elle m’était devenue familière, et puis elle me ménageait quand même.

Là changement de protocole, plongeon dans un nouvel inconnu.

Le point positif c’est que demain le compte à rebours va aussi commencer, j’aurai dépassé la moitié du traitement et ça n’a pas de prix. Je décide donc que maintenant mon verre est déjà à moitié vide et s’il faut le boire jusqu’à la lie, soit.

Stress

Me voilà à nouveau sur le fauteuil de torture, décidemment je crois que je ne m’y ferai pas. D’autant qu’aujourd’hui j’appréhende vraiment les produits décrits comme agressifs, les effets secondaires inquiétants parfois irréversibles … mais pourquoi suis-je donc aller voir sur Internet ? J’ai peur, comme la première fois.

Mais rien de bien différent, tout au moins dans l’instantanéité.

Par contre les jours suivants j’ai quand même ressenti les effets décapants, lèvres rapées, langue abrasée, œsophage récuré … le goût métallique a fait place à un non goût, un effet cartonné de tout ce que j’ingère et qui se transforme en acide pur tout au long du parcours de digestion.

Inutile de préciser que toutes  les muqueuses – milieu humide et chaud – sont atteintes de la même façon. Mon nez coule. Mes conduits auditifs sont douloureux.

Mon homme est parti.

Mes parents sont venus, repartis.

Ma fille fait des allers retours. Il faut dire que je suis devenue son coach personnel dans la préparation de son concours, cela me replonge des années en arrière. Elle a passé avec brio l'écrit, et on s'attèle à l'oral. Quand elle repart chez elle, on continue par web cam.

Les jours filent. 

SPA

La chatte que j'ai eu la bonne idée de nourrir dans le jardin de mes parents a décidé de me faire cadeau de ses trois chatons. C'est une adorable peluche rousse, toute jeune encore. La pauvre bête n'appartient à personne et elle est maigre à faire peur, elle va avoir besoin de se requinquer.

Parmi les petiots deux sont en relativement bon état, le troisième est très faible. J'aménage donc un carton dans un coin du jardin sous la haie et j'assure le couvert. Bientôt les boules de poils viennent aussi vers la gamelle, ils n'ont manifestement pas assez de lait. C'est un régal d'assister à leurs jeux, bagarres et découvertes dans le jardin.

La petite femelle grise est la plus débrouillarde et c'est la première à se lancer à l'escalade d'un arbre. Les deux mâles roux la suivent. Le petit dernier est en meilleure forme.  

Mais ils deviennent de plus en plus envahissants et je sais pertinemment que mon père ne veut pas de chat, alors quatre d'un coup ... il faut que je trouve une solution pour placer ces chatons quand ils seront sevrés. 

Et voilà séance photos, annonces et en quelques heures les chatons sont déjà réservés. Il ne leur reste plus qu'à prendre encore des forces.

Mes chats me manquent. Mais j'ai au moins l'impression d'avoir sauvé ceux-là.

Avant dernière chimio. Les produits sont nettement plus agressifs, mais je lutte et je continue à m'oindre pour préserver ma peau, laquer mes ongles pour les protéger. J'ai même trouvé un savon au lait d'ânesse lors d'un salon "nature".

Juin

Catherine et Michel

Encore un week end festif. Cette fois c'est un couple d'amis qu'on avait connus en  Guadeloupe qui débarquent depuis la région tourangelle. C'est drôle comme avec certaines personnes on reprend facilement la relation là où elle en était malgré le temps, la distance. Cela faisait au moins quatre ans qu'on n'avait pas passé de temps ensemble, et c'est comme si c'était hier. 

Un week end sous le signe de l'amitié indéfectible.

Katia

C’est Katia, une voisine de la résidence, qui m’a fait découvrir lors d’une fête médiévale l’abbaye en cours de restauration sur les hauteurs du village voisin. C’est un lieu hautement spirituel, habité depuis la nuit des temps et qui semble concentrer des énergies vibratoires cosmo-telluriques compte tenu de sa situation.

Bénévole de l’association et magnétiseuse,  Katia m’a entrouvert la porte sur un monde parallèle de symbolisme et de mystère. Je l’écoute raconter l’histoire de ces moniales, du jardin des simples, du réseau de rivières souterraines, du parcours initiatique dans ce lieu énergétique, du triangle équilatéral  qui relie Chartres, Lourdes et cette abbaye …  impression de n’être qu’un grain de poussière dans l’immensité de l’univers. Chamboulée dans mes certitudes, je suis particulièrement réceptive en ce moment  et elle me propose une séance de de  renforcement énergétique pour lutter contre la fatigue de mon traitement. Rendez-vous est pris.

Quelques jours plus tard je découvre le Reiki. Katia impose ses mains, sans contact direct, en utilisant l’énergie « universelle »  qu’elle redistribue, selon ses termes, pour expulser les tensions, douleurs et stress. Elle utilise ensuite un bol tibétain dont les vibrations me gagnent, j’ai l’impression de vibrer à l’unisson. Sensation de relaxation intense. Je fonds soudain en larmes, et je pleure en silence, en douceur,  jusqu’à l’apaisement. Katia est satisfaite de la circulation énergétique et moi j’ai l’impression d’être régénérée.

C’est l’esprit léger et le corps vaillant que j’attaque ma dernière chimio.

La dernière.

Déjà ? Enfin !

C'est donc presque serienement cette fois que je m'installe et que je vois ces poches se vider dans mon corps, m'en fiche, c'est la der !

Et voilà, au revoir.

Comment ça ? c'est tout ? je sors et je ne reviens plus ? toutes ces infirmières je ne les reverrai plus ? ma gentille oncologue non plus ? Et non, étape suivante, service suivant, tout est cloisonné.

En sortant mon regard s'attarde sur les quelques patients dans la salle d'attente, petit pincement au coeur, où en sont-ils ? au début ? à la fin ? une première ? une récidive ? 

Mais nous ne faisons que passer, anonymes, patients qui s'impatientent ...