Quatre, cinq, six, cueillir des cerises
Quatre.
Lundi. Aujourd’hui c’est colère. Colère contre ce corps que je croyais connaitre, que je pensais fort et qui me trahit. Colère parce que je dois encore attendre. Colère contre moi parce que j’ai peur. Colère contre les autres parce qu’ils l’ignorent. Colère parce que je n’ai pas fini de vivre. Colère noire, rouge de colère, mais ce lundi est gris, comme mon esprit.
Cinq.
Mardi. Une semaine. Les tempes qui battent, le cœur au bord des lèvres, les doigts fébriles, je compose le numéro du labo, les résultats devraient être prêts à partir d’aujourd’hui et transmis au médecin. Ce médecin que je ne connais pas, je l’ai choisi au hasard dans l’annuaire parce qu’il est proche de chez moi. Cela fait juste trois mois que nous sommes arrivés, et je n’ai pas encore eu besoin de médecin. Et là, je confie à un parfait inconnu les résultats les plus importants de ma vie, en tout cas importants pour le reste de ma vie.
Mais ce ne sera pas pour aujourd’hui, je peux recommencer à respirer. Le week-end, blabla, trop tôt, blabla, beaucoup d’analyses, blabla …
Je vais devoir recommencer à attendre sans en avoir l’air, mais il y a cette petite angoisse sourde qui surgit sans prévenir dès que mon esprit vagabonde, dès que je perds le contrôle.
M’occuper.
Six.
Mercredi. Cette fois c’est le labo qui rappelle, et mon cœur fait un bond. Finalement une crise cardiaque serait plus radicale, propre et nette. Mais c’est encore pour ajourner. Ils jouent avec mes nerfs. Les analyses ne sont pas finies. Est-ce mauvais signe ? Est-ce normal ? Les résultats devraient être demain chez le médecin dont je n’arrive pas à prononcer le nom tellement il y a de W, J, C, K …
Je vais devoir recommencer à attendre sans en avoir l’air, mais la petite angoisse sourde grandit au creux de mon ventre.
J’y pense et puis j’oublie.
M’occuper. Vaquer à des occupations banales.